Classes de défense : conférence sur les OPEX : « 6 mois en Afghanistan »

3 janvier 2022

Le mardi 14 décembre 2021, les élèves de l’enseignement défense ont eu l’heureuse surprise de retrouver Mme Geneviève BONNASSIEUX, représentante de la SMLH, Société des Membres de la Légion d’Honneur qui leur a annoncé qu’ils allaient être financés pour leur projet de film sur les OPEx du 8 en Afghanistan. En effet, elle avait déposé un dossier pour briguer un prix avec ce projet illustrant le lien armée nation à travers une Opex spécifique auprès de la SMLH, et elle a remporté le 1er Prix. Désireuse de soutenir nos classes de défense, elle a donc décidé d’offrir cette bourse financière pour financer le nouveau projet que nous avons commencé à travailler depuis septembre.

Geneviève Bonnassieux, représentante de la SMLH annonce aux élèves la bonne nouvelle !

Nous avons applaudi de toutes nos mains ce beau geste généreux et elle est restée avec nous pour assister à la Conférence du Général ARAGONES. Le Colonel DEGAND, actuel Chef de Corps du 8e RPIMa nous a fait aussi l’honneur de sa présence et il a salué le travail que nous avions engagé.

Le Colonel DEGAND et le Général ARAGONES

Après ces temps forts et riches en émotion, le Général ARAGONES a donc entamé son récit revenant sur les 6 mois en OPEX qu’il a passés en Afghanistan, en 2008 avec ses hommes du 8e RPIMa, en s’appuyant sur un diaporama et une vidéo évoquant le quotidien des soldats dans ce pays lointain : sport, combats, rencontre avec la population, visite du ministre de la Défense de l’époque.

Dans un premier temps, le Général ARAGONES a voulu créer un lien avec la précédente conférence en nous réexpliquant brièvement toute la préparation qu’ils avaient réalisée pour affronter cette mission, aussi bien du côté des familles que du régiment. Puis dans un second temps, il a présenté le déroulement de cette opération d’envergure.

En 2008, les soldats du 8eRPIMA sont, en effet, envoyés en Afghanistan plus précisément dans la province de la Kapisa afin de sécuriser la province et tout particulièrement la construction d’une route qui éviterait que les camions passent obligatoirement par Kaboul pour améliorer la sécurité de la capitale en diminuant le trafic routier. Partir en Afghanistan a été, pour les soldats et pour lui-même, une concrétisation de leurs entrainements intensifs en vue de cette opération.

  1. Aspect géographique et historique de l’Afghanistan.

L’Afghanistan est un pays de 647 000 km2, soit 20% plus grand que la France. C’est un royaume de civilisation millénaire et une mosaïque ethnique et linguistique.

Carte réalisée par le Général Aragonès

La seule religion est l’Islam, et elle constitue un facteur d’unité.

Diaporama réalisé par le Général Aragonès

L’Afghanistan possède 32 langues mais les deux seules officielles sont le Pachtoun et le Dari. Ce pays est un carrefour de communication, se trouvant entre l’Iran, le Pakistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Tadjikistan et la Chine. C’est un territoire au relief montagneux et au climat continental.

Carte réalisée par le Général Aragonès
Carte réalisée par le Général Aragonès
Diaporama Général Aragonès : climat continental, rude et montagneux

Ce pays est marqué par la violence. Tout au long de son histoire et jusqu’au XX° siècle, de nombreux rois se sont fait assassiner, et les affrontements ravagèrent régulièrement l’Afghanistan, générant de nombreuses destructions, surtout dans la capitale. L’arrivée des troupes Soviétique en 1979 mit fin aux rivalités. Mais cette présence étrangère fut vécue comme une vraie invasion, et fut aussi dénoncée sur le plan international comme une agression, notamment  par  les  Etats-Unis  car  c’est  en  pleine  guerre  froide  que  les  soviétiques sont intervenus. En 1988, les Talibans multiplièrent les combats avec les autres communautés ce qui accentua la guerre civile au sein du pays. En 1989, les soviétiques épuisés par ce « Vietnam guerrier », ce « bourbier Afghan », quittèrent l’Afghanistan, ce qui laissa le pays aux mains de différentes factions. Ainsi les Talibans multiplièrent les combats contre les Tadjiks du Cdt MASSOUD et le HiG de HEKMATYAR ce qui créa une véritable guerre civile au sein du pays et en particulier dans la capitale. En 1996, la population de Kaboul accueillit bien l’arrivée des Talibans, au départ, car cela mit fin aux affrontements et à l’insécurité. En revanche, ils détruisirent plusieurs monuments comme les bouddhas de Bâmiyân dans une volonté d’effacer le passé et l’histoire du pays.

Destruction des bouddhas de Bâmiyân

L’arrivée des talibans au pouvoir imposa des changements et de nouvelles règles à la population, comme la lapidation des femmes, le trafic de drogue puni de la peine de mort, le vol impliquant l’amputation de la main du voleur… ils ont appliqué leurs propres lois, radicales, celles de la Charia (la loi selon l’Islam) et ils ont détruit tous les objets non islamiques et même les cerfs-volants, la musiques ont été interdits ! La vie dans ce pays, sous le contrôle complet des Talibans, fut surtout impitoyable pour les femmes obligées de se couvrir intégralement, interdites d’école et d’instruction, enfermées chez elles… Et malgré toutes ces brimades et cette oppression, l’Occident laissa faire. Ce qui changea tout ce fut, le 11 septembre 2001, l’attaque des Tours Jumelles. Le Président Bush décréta que ce pays était la source du mal car il avait favorisé le développement d’un mouvement terroriste « Al Qaïda » et de son chef, le saoudien Oussama Ben Laden. Les Américains débarquèrent donc en Afghanistan ce qui précipita la chute du régime imposé par les Talibans.

Avant les talibans les femmes pouvaient s’habiller à l’européenne
Habit imposé aux femmes par les talibans

Les Américains firent la guerre et chassèrent les Talibans et ils imposèrent un nouveau régime. En octobre 2004, Hamid Karzaï est élu président puis il est réélu en 2009. Cependant, la population n’accepte pas ce nouveau régime et l’évolution occidentale qu’apportent les Américains.

Hamid Karzaï, un Pashtun Popalzaï, désigné pour assurer l’autorité intérimaire, puis élu président en octobre 2004 réélu en 2009 , à droite du Président américain Bush.

  1. Cadre de l’action du 8e RPIMa en Afghanistan

En juin 2008, trois compagnies du 8e RPIMa de Castres dont deux de combat et une de soutien rejoignirent la province de la Kapisa sous l’égide de l’OTAN. Cette zone était placée sous autorité américaine donc les ordres du 8e RPIMa venaient d’un chef américain. La Kapisa est une province agricole : les habitants peuvent récolter des fruits et des légumes c’est une province fertile. Elle avait été longtemps abandonnée par le gouvernement central ainsi que par les militaires car elle n’était pas prioritaire.

La Kapisa, au nord

Pour mieux connaitre les traditions et les mentalités des habitants du pays les soldats passèrent dans un « sas » préparatoire où ils apprirent les règles de comportement qu’il fallait adopter avec la population afghane : toujours manger de la main droite s’ils étaient invités, car pour les musulmans la main gauche est impure, ne pas montrer les semelles de ses chaussures car c’est considéré, là-bas, comme un élément souillé, sale. Ils apprirent donc, grâce à cette formation, les règles de vie et de politesse nécessaires pour se fondre dans la population locale et éviter de les blesser par un comportement inadapté à leurs coutumes.

En juillet 2008, le 8e RPIMa rejoignirent la base qui lui avait été affectée par les Américains, les soldats édifièrent des protections et les tentes, ils s’installèrent et prirent possession des lieux.

Le 8e RPIMa avait été envoyé dans la région de la Kapisa car c’était une zone délaissée par les Américains et c’était un foyer d’insurrection. De plus, cette région, présentait un grand intérêt économique pour les autorités car elles avaient pour projet l’ouverture d’une deuxième route pour améliorer la sécurité de Kaboul en déviant la majorité du trafic routier par la Kapisa. Mais cette mission se solda par un échec. Le 8e RPIMa avait pour zone d’action la vallée centrale et cinq petites vallées, toutes des culs de sac, qui longeaient la principale, comme la vallée d’Afghania qui était une vallée très dangereuse. Les soldats avaient à disposition de nombreux instruments et matériels comme des chars, des lances missiles, des VAB avec des canons 20mm.

  1. Mode de vie des Afghans.

La population afghane vit dans des maisons faites de terre et entourées d’un grand mur généralement d’un mètre d’épaisseur à la base. Elles ont que très peu de fenêtres ce qui crée une excellente protection. Mais cette protection, offerte par cette infrastructure, était un gros problème pour les soldats car les balles n’arrivaient pas à franchir le mur de terre qui entourait la maison.

Maison afghane
  1. Adversaires et leurs techniques de combat.

La Kapisa est une zone refuge et de vie. Pour les soldats repérer les ennemis et adversaires était très compliqué car les paysans qu’ils rencontraient dans la journée pouvaient devenir des insurgés le soir. C’était un peu la même configuration qu’en Algérie, ou dans toutes les guerres non conventionnelles appelées aussi asymétriques, ou les « guérillas ». Combattre était donc compliqué. De même dans cet espace se superposaient intérêts tribaux, familiaux, claniques, qui participaient à la confusion possible : étaient-ils amis ou ennemis ? difficile à dire car à la base c’étaient des combattants opportunistes qui changeaient de groupe pour de l’argent. La population afghane était constamment sous pression, les habitants qui donnaient des renseignements aux soldats recevaient des lettres de menaces, et il fallait les protéger. Là régnaient les trafiquants en tout genre : drogue, armes, commerce, (insécurité criminelle permanente). Par ailleurs, si le chef d’un groupe d’insurgés était abattu, un membre de sa famille le remplaçait aussitôt. En effet, la population ayant toujours connu la guerre et la violence, il y avait une insécurité criminelle constante. L’Afghanistan était le premier pays exportateur de drogue, peu d’enfants allaient à l’école et recevaient une éducation. Ils suivaient leurs parents. Les insurgés utilisaient diverses techniques pour nuire à leurs adversaires : des roquettes, des bombes télécommandés, des mines, des tirs directs sur les véhicules mais ils pratiquaient aussi les attentats suicide et les kidnappings …

  1. Mode d’action du 8e RPIMa contre les insurgés

Les insurgés furent surpris par les méthodes de combat des paras du 8, ils furent très observateurs en juillet, mais très agressifs en août et recherchant le contact. Les soldats du 8 allaient chercher les insurgés à pied dans les montagnes et les traquaient jours et nuits, avec la mise en place d’un système de patrouille. Pour préserver l’effet de surprise, le 8e RPIMa changeait toujours de mode d’actions et d’heures de patrouille. Les patrouilles permettaient d’être au contact de la population, de sentir les différentes ambiances présentes dans les villages, mais surtout de rassurer et d’aider les populations, par exemple en leur apportant des soins …

Les opérations plus vastes créaient un climat d’insécurité pour les insurgés qui ne savaient pas s’ils étaient localisés ou non, et elles les contraignaient à se déplacer ou au minimum à communiquer, elles permettaient ensuite d’élargir le périmètre de patrouille. Bien qu’elles fussent souvent de faible efficacité sur le moment elles redonnèrent l’ascendant à la force. Le Général ARAGONES nous a permis de ressentir le stress et le danger des embuscades en montrant une vidéo dans laquelle les soldats du 8 étaient accrochés par des ennemis, et nous avons alors mesuré, à distance, la difficulté de se battre dans un milieu hostile et au milieu des civils, le vacarme des armes, les cris et les ordres des officiers pour prévenir tout risque de blessure ou pire.

Cimetière taliban, symbole des pertes infligées…

Les opérations de niveau compagnie et bataillon, organisées par les militaires créaient un climat d’insécurité pour les insurgés. Celles-ci permettaient aussi d’élargir le périmètre des patrouilles. Les paras effectuaient un travail permanent avec les autorités afghanes grâce à des interprètes. Ce qui permettait de récolter plus d’informations sur la population ou autres.

Le 8 en patrouille, vallée Alassaï
  1. Travail entre alliés et risques

La complémentarité entre les Américains et les Français permit de sauver la vie de soldats, le soutien dans les différentes opérations, grâce à l’apport de matériels, tels que des drones ou des hélicoptères, a aussi permis d’avoir plus de personnes pour procurer de soins à la population. Cette entraide resta permanente grâce à la volonté d’accomplissement d’une même mission.

Le Général a, ensuite, rendu hommage aux soldats décèdes en Afghanistan en nous montrant leurs photos, la stèle érigée en leur hommage … lors de cette OPEX, le 8e RPIMa, a perdu 8 hommes, 8 soldats. Damien, Kevin, Sébastien, Damien, Nicolas, Anthony, Alexis et Julien.

Monument Place d’Armes du Quartier Fayolle, Hommage aux victimes d’UZBIN

La mission en Afghanistan a été rude pour nos soldats : 98 incidents, 50 actions de combats, 5 engins créés par les insurgés ont explosé sous des blindés, 15 hommes ont été blessés dont 4 gravement mais 1000 civils ont pu être soignés au cours de ces 6 mois.

Les soins aux civils : 700 civils adultes et 400 enfants ont été soignés, dont 107 en urgence.

Les classes de défense remercient le Général ARAGONES pour ses explications particulièrement précises sur le fonctionnement d’une OPEX et pour ses interventions leur permettant de continuer à bénéficier de ce savoir militaire qui les enrichit.

A droite le Général Aragones et son épouse, à gauche Geneviève Bonnassieux de la SMLH.

Lilou Lanzère, Luna Perez, Lorenzo Farines, Julie Castel, élèves de 2nde Classes de défense

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