Le lieutenant Hugo raconte l’opération APAGAN aux élèves des classes de défense

9 février 2022

Ce mardi 25 janvier 2022, les élèves des classes de défense ont eu la chance de rencontrer le Lieutenant Hugo, officier de communication et d’information de l’armée de terre (OCI) engagé au 8e RPima, leur unité marraine. Il est ainsi venu leur raconter son vécu lors de l’opération APAGAN organisée cet été 2021 alors que les talibans venaient de se rendre maître de l’Afghanistan. L’opération APAGAN consista à évacuer vers la France, des ressortissants français (environ 200 personnes) et autres afghans, amis de la France, en créant un pont aérien entre Kaboul, Abou Dhabi et Paris

Il nous a fait vivre cette mission à travers ses yeux d’officier de presse. Il nous a d’abord raconté son parcours : il était intéressé par l’Armée bien avant de se retrouver officier parachutiste au 8e RPIMa. Il entra d’abord dans la réserve, en tant que simple soldat, pour une durée d’un an et devint par la suite sous-officier. Il put découvrir ce métier par la suite et comprit rapidement qu’il lui correspondait parfaitement étant donné que combat, aventure, géopolitique, et dimension artistique étaient combinés en un seul.


Il commença son exposé en présentant le métier d’Officier de Communication dans l’Armée. C’est un métier qui a été créé, il y a environ une vingtaine d’années.
Sur le terrain l’Officier de Communication et d’Information (OCI) peut-être, officier de presse, il est alors chargé de traiter les demandes des médias et de les accompagner sur le terrain lorsqu’ils réalisent des reportages sur les forces françaises en opération. Il peut également être conseiller de communication, c’est-à-dire qu’il assure la relation avec la presse locale et la couverture médiatique des principales activités des militaires. Et enfin il peut être officier d’images. Intégrés au sein des unités combattantes ces OCI suivent leurs camarades sur la plupart des missions dont les images sont produites par eux-mêmes. Ils travaillent donc dans l’urgence et sont amenés à avoir du personnel, civil ou militaire, sous leurs ordres.

Les missions des Officier de Communication et d’Information sont par conséquent d’informer, de prouver et de témoigner. En effet, les images que peuvent produire les OCI et leurs opérateurs peuvent servir de preuve dans les enquêtes prévôtales après des accidents ou lors de combats par exemple mais aussi de renseignement qui serviront pour la suite des opérations . Ce travail alimente aussi la mémoire du régiment et servira aux historiens, lorsqu’ils analyseront, plus tard, les évènements. Il a donc ainsi une fonction à la fois de Mémoire et d’Histoire.

Son rôle, en métropole, est de gérer et d’alimenter les réseaux sociaux, d’être en lien avec la presse régionale et locale, de diriger les journalistes nationaux lors de cérémonies, de créer des reportages, des flyers, faire de l’infographie ou encore du contenu promotionnel. Tout cela, dans le but de valoriser l’Armée, et surtout en ce moment le 8e RPIMa, de donner envie de s’engager pour son pays et de fidéliser les actuels engagés tout en valorisant leurs combats et leurs missions au service de la France.

Son rôle, à l’étranger a pris diverses formes. En effet dans une OPex, l’officier de communication et d’information est entre autres le « baby-sitter » des journalistes envoyés sur place pour informer les populations. Si les journalistes ne sont pas autorisés à aller sur les théâtres d’opérations, l’OCI prend alors des images, joue le rôle de reporter, il filme la vie en unité et certaines actions de combat, il fait des interviews avec des ambassadeurs, la population et bien d’autres personnes. En résumé, il produit du contenu, alimente la presse afin qu’elle informe les Français.

Il a aussi été engagé comme conseiller de communication (par exemple, pendant quatre mois au Gabon) pour guider ses supérieurs sur les articles, les reportages, pour travailler avec la presse locale. Et il a, également, pu être accompagné de caméramans et d’un officier image pour faire toute sorte de reportage.

A l’écouter parler, nous avons bien perçu qu’il prenait ses différentes missions très à cœur, et que ce travail, pourtant risqué, sur tous les théâtres d’opération y compris les plus dangereux, l’enchantait complètement.

Il a ensuite expliqué avec force détails le déploiement et le déroulement de ce début de mission en Afghanistan. À la suite de la prise de Kaboul par les insurgés en août 2021, la cellule de communication du chef d’état-major des armées a déclenché le Module d’Alerte de la Communication Opérationnelle (MACO). Lors d’une crise internationale de ce type, la France utilise ce qu’on appelle l’échelon national d’urgence, c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir envoyer sur site 5000 hommes sur un délai de 7 jours. Ainsi le lieutenant, alors qu’il était en vacances, a été appelé vers 10h du matin et à minuit il décollait d’Istres : ce fut très rapide. 6 heures après il débarquait à Abu Dhabi. Il a donc été envoyé à Kaboul en août pour un séjour de 2 semaines intensives.

Sur place, à l’aéroport international de Kaboul (Hamid Karzaï International Airport) il fallait être très organisé car la situation était complexe : en effet, la partie civile de l’aéroport était fermée et la partie militaire était toujours ouverte. Une liste précise avait été établie par les ambassades, dans le chaos et l’urgence, afin de savoir qui pouvait être rapatrié. Chaque ressortissant, ou Afghan allié de la France devait être en possession, sur son téléphone, d’une attestation prouvant qu’il avait l’autorisation de partir via le pont aérien. Il fallait les trier parmi une immense foule d’Afghans essayant de fuir, vérifier l’identité des ressortissants et contrôler que l’attestation leur appartenait bien. C’était très bruyant, il faisait une chaleur étouffante et à cela s’ajoutaient des coups de feu des Talibans afin de dissuader le peuple de partir.

Ce fut le plus grand pont aérien de l’histoire. Une fois la grille passée, les ressortissants avaient directement accès aux premiers soins, à des masques, de l’eau car la plupart étaient déshydratés, et à un lavage de mains. Après cela, ils étaient fouillés, pour la sécurité (armes ou autres), et enfin ils devaient souscrire aux obligations administratives : avec les papiers, les identités. Ils étaient logés dans des « camps de fortune », en attendant les rotations d’avions. Les soldats essayaient de rendre ce moment moins effrayant pour les enfants, en les divertissant avec des dessins et en jouant avec eux, au ballon, par exemple.

Il y avait environ trois A400M français par jour, mais des atterrissages et décollages en continue de toutes les nationalités. Pour que le trafic soit le plus rapide possible, les avions ne mettaient que 30 minutes entre le posé des roues et le décollage. Pas le temps de re-fueler ! Après une attente interminable sous le soleil dans des conditions inimaginables, très dures physiquement et psychologiquement, ils étaient quand même soulagés et heureux de s’en sortir. Il leur était alors donné à boire puis ils s’entassaient littéralement dans l’avion : entraient, en premier, les femmes, les enfants et les personnes âgées, puis les hommes, et ils partaient pour une durée d’environ trois à quatre heures de vol. A l’arrivée, l’ambassadeur français d’Abu Dhabi les accueillait, de jour comme de nuit. Une prise en charge sanitaire et alimentaire était également offerte et en moins de 24 heures, ils pouvaient retourner en France.

Lors de son déploiement pour cette opération, le lieutenant Hugo avait trois principales missions :

  • Informer en temps réel, les grandes chaînes d’informations, telle que BFMTV, en floutant certaines têtes. Il devait également rédiger des comptes rendus écrits et oraux pour informer les autorités militaires, ses Généraux et le « monde »,
  • Prouver les faits, grâce à des images, pour s’assurer une certaine protection lors de plaintes ou d’accusations diverses.
  • Témoigner en faisant toutes sortes de films et d’images d’enfants, de militaires, d’habitants pour raconter cet évènement avant de l’archiver, pour que dans les années futures, il y ait des témoignages de cette opération et un entretien de la mémoire et un travail d’histoire.

Donc, le travail du lieutenant Hugo a été centré principalement sur la couverture médiatique : c’était assez compliqué à gérer car il y avait d’un côté les ordres et les informations qui arrivaient du commandement de Paris et, d’un autre côté, la réalité du terrain avec du « cas par cas » à gérer.

Ce rapatriement express s’est étiré sur environ deux semaines. Le lieutenant nous a expliqué que la plupart des soldats mettaient leurs émotions un peu de côté (car seule compte leur mission) même si le sort des enfants les touchait beaucoup. Or les critères pour être potentiellement rapatrié avaient été définis précisément : le fait d’avoir travaillé avec le gouvernement français, avec l’Armée, ou encore certaines entreprises françaises. On a su également, par les médias, qu’un taliban était passé et avait pu rentrer en France. Cette information a créé la polémique en France ! Il nous a donc expliqué que ce taliban avait aidé l’ambassade française à sortir du centre de Kaboul et qu’il était accompagné de ses deux frères : c’est pour cela qu’il a pu avoir accès au rapatriement tout en étant fiché et surveillé.

Enfin la conférence s’est terminée avec de nombreuses questions auxquelles le lieutenant a répondu en nous offrant en plus la possibilité de voir quelques photos inédites de cette opération. Au cours d’une réponse à une question posée, sur le plan de l’éthique et du respect des ordres, il nous a expliqué que si l’on estimait que l’acte était injuste, la liberté de conscience pouvait être appliquée, c’est l’objection de conscience, mais que rien de ce qui avait été fait au cours de cette mission ne pouvait justifier le recours à cette voie, au contraire car l’Armée a sauvé des vies en évacuant sous la menace des talibans les Français et leurs alliés. De plus, les Français ont essayé d’abandonner le moins de choses possibles aux talibans. Il nous a montré aussi une photo de policiers Afghans armés qui essayaient d’organiser une pseudo sécurité au milieu de cette énorme foule devant l’aéroport.

Pour nous, élèves des classes de Défense, le témoignage de ce jeune lieutenant est important. Outre le fait de présenter les facettes des différents métiers au sein du 8e RPIMa, il met en lumière le dévouement de ses hommes au service de notre Patrie mais également (et particulièrement sur cette opération APAGAN) le rôle humanitaire que peuvent endosser les forces armées françaises pour protéger les populations. Des actions qui se font dans des contextes très périlleux et incertains. Bravo à nos armées !

Tous les élèves remercient chaleureusement le Lieutenant Hugo pour son témoignage passionnant et pour son engagement au service de la Nation.

Julie Castel , Lilou Lanzère, Benedicte Coupan, Uma Averous, élèves de 2de et 1ere en classes de défense de Barral, 2022

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