Les 1ères Classe de Défense à PARIS pour mener leur enquête…

22 mars 2023

Dans le cadre de notre enquête sur les 34 enfants juifs déportés du Tarn en 1942, nous avons eu l’opportunité de nous rendre à Paris afin d’approfondir la recherche, et essayer de reconstituer leur déportation ainsi que leur situation individuelle (famille, origine…). Nous souhaitions aussi, en visitant le Mémorial de la Shoah, mieux préparer notre prochain voyage à Auschwitz, afin de mieux comprendre ce site hors norme, à la fois camp de concentration et centre de mise à mort. La grande historienne Annette Wieviorka, que nous avons eu la chance de rencontrer, désigne Auschwitz comme « la métonymie des camps », et ne cesse de souligner la complexité de ce lieu où les Juifs d’Europe ont, en grande partie, été éliminés par les Nazis.

Le premier jour a été consacré entièrement au déplacement, – il faut en effet savoir que nous sommes partis en bus de notre lycée de Castres, jusqu’à Paris, un sacré trajet ! -, mais nous en avons profité pour préparer, déjà, les visites du lendemain et du surlendemain (même si ce ne fut pas notre seule occupation évidemment). Notre groupe se composait de vingt-cinq élèves de 1ere de la classe de Défense de Barral ainsi que de cinq accompagnants: Monsieur FAURE, professeur de mathématiques, Monsieur ALQUIER, le cameraman qui s’occupait de filmer notre aventure pour le film que nous sommes en train de réaliser sur ce projet concernant les enfants juifs de notre département, le chauffeur de bus, André, qui nous a accompagnés durant ces trois jours, Madame BARTHES, archiviste aux archives départementales d’Albi qui nous a fourni une aide indispensable pour retrouver les bribes d’informations disséminées dans les archives tarnaises et qui s’est beaucoup investie dans ce projet, et enfin Madame PIETRAVALLE, à la fois professeur d’histoire-géographie et coordinatrice des classes de Défense, sans qui ce projet et ce voyage d’étude n’auraient pas vu le jour. Partant mardi matin de la FIAP Jean Monet, où nous logions l’espace de deux nuits, nous avons traversé Paris à pied, visitant des lieux que la plupart d’entre nous n’avaient jamais eu l’opportunité de voir : une découverte de la capitale pour certains, une redécouverte pour d’autres. Nous aurions, initialement, dû nous rendre, le matin, au camp de Drancy, par lequel tous les enfants sur lesquels se portent notre étude avaient transité, avant de finir leurs jours au centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne. Malheureusement, il s’agissait d’un jour de grève et de manifestations, et les routes étant potentiellement bloquées nous ne pouvions risquer de rater la raison principale de notre venue à Paris : le Mémorial de la Shoah.

Le Mur des Justes au Mémorial de la Shoah

Notre première approche du Mémorial, avant même d’y pénétrer, fut la plaque commémorant les « Justes de France ». Ce terme désigne toutes les personnes qui, en France ont aidé des juifs menacés et persécutés pendant la guerre, sans attendre un dédommagement de quelque nature que ce soit, et qui ont ainsi sauvé des juifs de la déportation et de la mort. Le directeur de notre lycée, sous l’occupation, Pierre Marie PUECH, y figurait, puisqu’il avait pris l’initiative non seulement d’accueillir des élèves juifs, dans ce qui était à l’époque un petit séminaire (donc pour les futurs prêtres catholiques), mais, de surcroît, d’engager des professeurs juifs interdits d’exercer par le statut des juifs de Vichy.

Une découverte des plus bouleversantes, pour nous, fut néanmoins le Mur des Noms, situé à l’entrée du Mémorial de la Shoah, portant des dizaines de milliers de noms, répertoriés par année de déportation, puis par ordre alphabétique. Certes nous avions tous connaissance du nombre exorbitant de juifs déportés de France, plus de 76 000 pour être précis ; mais un nombre aussi grand n’a de signification que lorsque l’on se tient enfin devant ces noms alignés sur ces murs, qui reflètent la démesure de la Shoah en France. Ce ne sont plus des nombres sur un papier que nous avions en face de nous, mais des noms, avec des dates de naissance, des enfants, comme nous, ou des adultes plus âgés, mais qui ont tous subi le même destin funeste. Et quand l’on pense que six millions de juifs, au total, ont partagé leur sort, on comprend, enfin, la portée du massacre que fut la Shoah. Evidemment, nous nous sommes empressés de chercher les noms des 34 enfants du Tarn, mais aussi celui de Simone JACOB (Simone Veil) et ceux de Claire et Ernest HEILBRONN (dont nous avons reçu plus tard dans la journée un prix, de la part de leurs descendants).

Les noms de Ernest et Claire Heilbronn, devant lesquels nous nous sommes recueillis en sortant de la remise des prix au Mémorial de la Shoah

S’en suivit une visite complète du Mémorial, de la flamme qui offre une tombe à tous les déportés qui n’ont pas la chance d’en avoir une, à la maquette du ghetto de Varsovie reconstituée par des témoins, en passant par le mur de photos, sur lequel les enfants disparus sont alignés : parfois les familles des victimes ont fourni des photos, parfois ce sont seulement des pièces d’identité, et parfois rien n’a été retrouvé. Nous en avons profité pour rechercher celles des enfants sur lesquels nous enquêtons, sans succès pour certains mais plus fructueux pour d’autres.

Le Ghetto de Varsovie – Pologne

Enfin, nous avons terminé notre visite par le musée, où toute l’histoire de la persécution des juifs était relatée, remontant bien plus loin que le XXème siècle. Ici, toute l’Europe était concernée. En effet, les cartes de déportations nous ont montré que presque aucun pays ne fut épargné, excepté peut-être la Finlande et le Royaume-Uni, seul pays européen qui luttait encore contre le régime nazi. Ces cartes détaillées sont essentielles pour comprendre la dimension élargie de cette « catastrophe » (traduction du mot Shoah). Les archives du Mémorial nous ont également permis d’obtenir des documents supplémentaires concernant la recherche de nos enfants juifs, en particulier pour les documents rédigés au camp de Drancy, lorsqu’ils y sont arrivés, peu de temps après leur arrestation à Lacaune, lors de la grande rafle du 26 août 1942. Nous n’avons retrouvé que peu d’éléments, souvent des fiches de déportations, avec un nom et une date, mais cette absence de précision porte aussi un terrible sens. Cela voulait sûrement dire que l’administration du camp de Drancy, sachant que ces enfants n’allaient pas rester là….qu’ils étaient destinés à disparaitre loin… avait besoin de très peu d’information sur chacun d’eux. Notre travail a été facilité car, en amont, l’archiviste du Mémorial, Claire STANISLAWSKI, avait préparé tous les documents qu’elle avait réussi à y retrouver. Cependant, peu d’informations subsistent car beaucoup de ces enfants étaient d’origine étrangères (Europe de l’est et Belgique) et ils étaient arrivés en France tardivement fuyant l’avancée des nazis, pensant trouver refuge en France, dans le « pays des droits de l’homme ».

Dans la soirée, nous avons assisté à la remise des prix de la fondation Claire et Ernest HEILBRONN, car notre professeur ,Valérie PIETRAVALLE, avait fait un dossier pour présenter notre travail, s’inscrivant dans une longue lignée de travaux qu’elle mène depuis 30 ans sur le sujet, pour transmettre à ses élèves cette histoire. Notre classe faisait partie des lauréats ! Nous avons pu écouter l’histoire de ces déportés par leurs descendants, François, ses sœurs et Hubert Heilbronn, présents dans la salle. Ils ont également expliqué les actions entreprises par cette fondation chaque année depuis 2019. Cette année, deux doctorantes, primées aussi, ont partagé leur sujet de thèse, respectivement sur la philanthropie juive pour la première et sur les traces des juifs dans les paysages urbains, datant de la période du Moyen-Âge pour la seconde, des sujets que nous n’avons pas l’habitude d’entendre et dont la présentation nous a enthousiasmés. Annette Wieviorka, l’historienne, célèbre pour ses travaux sur les juifs, a également été récompensée pour son dernier livre intitulé Tombeaux, autobiographie de ma famille (dont, j’en suis sûr, plusieurs élèves ont commencé la lecture).


Le papa de François Heillbronn, entouré de ses filles, témoigne et raconte l’arrestation de Claire et Ernest à laquelle il a assisté, douloureusement, quand il était enfant

De plus, Mme Pietravalle ayant reçu le prix récompensant des projets pédagogiques s’inscrivant contre la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ainsi que trois élèves de notre classe – Timothée FAURE, Léo DELMOTTE-RECH et Lilou LANZERE- ont présenté dans leurs discours les étapes de notre quête retraçant la vie et la déportation de ces enfants juifs déportés depuis le Tarn.

Notre professeur a mis en lumière les liens entre Classe de Défense et travail d’histoire pour lutter contre l’antisémitisme, soulignant ainsi que le parrainage de notre régiment, le 8e RPIMa avait aussi du sens. Elle a rappelé que, les attentats de Mehra à Toulouse en 2012, avaient ciblé d’abord des paras français musulmans, et ensuite les enfants juifs de l’école Otzar Hatorah. Depuis ces attentats, dont la liste des victimes s’est étendue avec ceux de Charlie, de l’hyper Casher et de Hilan Halimi, nos soldats, dont nos paras du « 8 » sont les « Sentinelles « qui surveillent nos lieux de culte et tous les points à risque. Le lien est donc là, mais aussi dans le développement des « forces morales » du pays qui, hier ont nourri la Résistance à l’occupant et à Vichy, et qui aujourd’hui doivent nourrir notre combat contre le racisme et l’antisémitisme. Ce fut une expérience inoubliable, d’autant que nous avons eu la chance et l’honneur de rencontrer des personnes formidables, dont la famille Heilbronn, le président du Mémorial, Monsieur Jacques Fredj, et le fils de Madame Simone Veil pour ne citer qu’eux.

Le mercredi 8 mars signait la fin de ce voyage, mais nous avons pu l’achever sous les meilleurs auspices, en nous rendant à l’hôtel Matignon dans la matinée. Ce bâtiment dans lequel travaille la Première Ministre regorge d’une histoire passionnante (passant de main en main depuis sa construction en 1713) et d’une architecture remarquable que nous n’avons cessé d’admirer. Entre son immense jardin mélangeant les styles européens, ses salons multiples, ses dorures : nous n’avons pas eu le temps de nous ennuyer.

Enfin, pour clore notre séjour à Paris, nous avons découvert les Invalides, ainsi que le musée de la Guerre que ce site prestigieux abrite, grâce au Général ARAGONES qui avait organisé une visite guidée particulièrement riche et vivante, nous plongeant au temps de Napoléon. Nous avons eu l’occasion de découvrir des objets en tout genre de l’époque napoléonienne (une aubaine pour les passionnés de notre classe) ainsi que des œuvres retraçant l’histoire du grand Empereur dont la tombe (composée de pas moins de six cercueils) se trouve en plein centre de ce Panthéon militaire. Comme nous avons un profond respect pour les armées, nous engageant chaque année auprès de notre unité marraine ? le 8ème RPIMA, ce fut un honneur de visiter un lieu empli d’histoire comme celui-ci.

Ainsi s’achève le récit de notre voyage d’étude qui nous laisse plus cultivés, fiers et déterminés à mener à terme ce projet, que nous poursuivrons tout au long de l’année scolaire et particulièrement lors de notre journée au camp d’Auschwitz-Birkenau, prévue pour le mercredi 29 mars 2023, qui contribuera à compléter notre travail de recherche, étant donné que c’est le lieu où Ces enfants juifs déportés depuis le Tarn ont disparu à jamais, onze jours seulement après leur arrestation à Lacaune…

Le Tombeau de Napoléon aux Invalides

Ce voyage n’aurait pas pu se faire sans la supervision extraordinaire de Mme Valérie Ermosilla-Pietravalle, et des accompagnants de la classe défense, que nous remercions tous chaleureusement. Nous remercions également tous les membres de la fondation Heilbronn, pour l’honneur qu’ils nous ont fait, en attribuant ce prix. Enfin, nous remercions tous ceux qui ont rendu ce voyage possible et tous les intervenants du Mémorial de la Shoah, de Matignon et des Invalides qui ont contribué à en faire une expérience inoubliable.

Timothée Fauré, Fanny Garcia, Valérie Pietravalle et les élèves de la classe de 1ere de défense de BARRAL, Castres.

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