Valérie Piétravalle invitée au colloque Jaurès et De Gaulle de Castres pour promouvoir les classes de défense

22 novembre 2021

Le samedi 20 novembre s’est tenu un colloque à Castres au Théâtre Municipal réunissant des spécialistes de Jaurès et de Gaulle et de stratégie militaire, l’occasion pour Mme Piétravalle, de promouvoir les classes défense et le lien Armée Nation.

Soutenue par ses élèves, Valérie Piétravalle a mis en avant toutes les actions et projets menés avec ses classes. Voici le contenu de sa conférence du 20.11 :

Un constat : Même si notre monde est de plus en plus complexe et dangereux, la jeunesse semble moins sensible aux notions de défense de la Nation et la suspension du service militaire, en 1997 n’y est peut-être pas étrangère. Par ailleurs, les attentats islamistes qui se sont multipliés depuis une dizaine d’années ont participé à une certaine prise de conscience collective de la nécessité de se défendre et de se protéger, notions qui semblaient avoir disparu en France car dans l’esprit de l’opinion nous étions en paix depuis presque 50 ans. Face à ces constats, l’idée fut donc avancée de créer un dispositif, piloté par l’éducation nationale, le ministère des armées et l’IHEDN, permettant de développer un enseignement spécifique pour compenser le recul des connaissances en matière de défense, de place de la France dans le monde, et les risques de dilution de l’unité de notre nation. Ce sont ces classes de défense, d’abord appelées CDSG, liées par une convention avec une unité militaire : à Castres, c’est le 8eme Rpima.

Quel est le rôle et quelles sont les actions de ces classes de défense ? En quoi permettent- elles un renforcement du lien armée-nation ?

Après avoir présenté le fonctionnement de ce dispositif original à Barral nous illustrerons le propos par diverses actions menées au cours des dernières années et nous nous interrogerons sur le retour sur investissement d’un tel dispositif.

I/ un dispositif original pour favoriser l’adhésion des jeunes à la Défense:

Le mot de défense est à prendre au sens large : défense de la langue, du patrimoine, défense militaire… c’est pourquoi au début ces classes étaient baptisées de défense et sécurité globale. « L’esprit de défense concerne bien sûr les élèves, mais aussi tous les adultes membres de la communauté scolaire, en tant que citoyens comme dans l’exercice de leurs responsabilités professionnelles. » précisent les textes de l’EN. Ainsi tous les professeurs de toutes les disciplines peuvent participer à cet enseignement.


Ce dispositif est ancien à Barral : Pierre Escande, directeur adjoint de Barral l’avait imaginé dès 2005, et avait signé une convention avec le Colonel Guionie chef de corps du 8 à l’époque. Ensuite, Pierre Henri Marty lui succéda et j’ai hérité de leur travail en 2013. Au départ il n’y avait qu’une classe en 2nde et en 2016 nous avons ouvert officiellement notre 1ere CDSG avec signature d’une nouvelle convention avec le 8 et avec la DASEN.

Désormais cet enseignement est donc ouvert à des élèves de seconde et de première.

Et sur chaque niveau on compose une classe de défense qui fonctionne sur la base du volontariat. Les élèves qui s’y inscrivent adhèrent à un ou deux projets proposés en début d’année. Ce sont des projets annuels que les élèves travaillent en dehors des heures de cours habituelles afin d’élaborer une production pour illustrer le thème choisi. Les thèmes sont variés : d’histoire, de mémoire, ils peuvent porter sur une architecture militaire, sur le rôle d’une unité militaire, le panel des possibles est très vaste.
Les élèves inscrits dans ses classes défense assistent, une fois par mois, en dehors de leur emploi du temps habituel, à une conférence de une ou deux heures, animée par un spécialiste des questions de défense. Cela peut être un colonel, un général à la retraite… Ces conférences sont, le plus souvent, en lien avec les projets travaillés tout au long de l’année. Les élèves prennent des notes au cours de ses conférences et organisent une restitution sous forme d’articles, de reportages qui sont publiés tout au long de l’année. Par ailleurs les classes de défense de Barral sont en lien avec la DPMA car ils sont intégrés au dispositif du « lab mémoriel » qui permet de mettre en valeur le travail de ces classes à l’échelle nationale.


À la fin de l’année, nous organisons une remise de diplôme de citoyenneté, car cette formation complète largement leur parcours citoyen celui initié déjà en collège avec l’EMC.
Leur formation n’est pas seulement théorique, ni organisée autour d’une recherche purement intellectuelle, elle est complétée par un dispositif de voyage lorsque ceux-ci sont possibles, et il y a également, en cours d’année, une petite immersion au sein de leur unité marraine. Au cours de cette immersion ils travaillent les valeurs de solidarité, d’entraide, de respect de l’autorité, ils découvrent les différents métiers de l’armée, ils assistent à la montée des couleurs, et ils complètent leur culture générale par une visite de la salle d’honneur, animée par le major Antoine, spécialiste de l’histoire de 8 ème Rpima et responsable de la salle d’honneur.

2/ Des actions sur plusieurs fronts :


A/ un travail de recherche en histoire :

la classe de défense, c’est l’occasion d’effectuer un travail de recherche en histoire, et les élèves n’ont pas le sentiment de faire un énorme effort car ils adhèrent au projet volontairement. Cela fonctionne donc comme une sorte de parcours initiatique dans lequel ils se lancent en début d’année, ils se piquent au jeu de la recherche, et ils arrivent à produire des travaux de qualité.

L’année est rythmée de conférences au cours desquelles des spécialistes des questions de défense viennent développer leur thème, et le plus souvent en lien avec les sujets traités.

2013 : projet CNRD : visite de Oradour et musée de la Résistance de Limoges et marche armée nation

2014 : projet résistance et déportation : voyage à Paris et visite Assemblée nationale et mémorial de la Shoah et voyage d’étude à Auschwitz.

2015 : projet « ambassadeurs de la mémoire » avec le Mémorial de la Shoah : travail sur le film Laurette 42 avec Francis Fourcou et sur les camps d’internement du Sud de la France. Invitation à l’UNESCO à Paris pour les 70 ans de la libération d’Auschwitz, hôtel de ville de Paris, cérémonie au mémorial avec François Hollande et dépôt de gerbe à l’arc de triomphe.

2016 : projet avec les arts plastique, les lettres et l’histoire : création d’un livret sur les lieux de mémoire de la 2de guerre mondiale dans le Tarn et réalisation dans le parc de Barral d’une sculpture en souvenir des « justes » du lycée + voyage d’étude à Auschwitz.

2017 : CNRD et prix national pour un groupe.

2018 : projet « existe-t-il des guerres justes ? » et visite de Verdun et base 113 des rafales à St Dizier.

2019 : projet Nemo (visite base navale de Toulon et centre de recherche atomique de Cadarache : (travail interdisciplinaire avec la physique) et reporter de guerre : les opex du 8 : réalisation d’un film primé au Panthéon : prix « héritiers de mémoire ».

2020 : projets avortés à cause du covid ! mais travail sur : d’une Europe déchirée à une Europe unie : vers une Europe de la défense ? » : la place occupée par l’OTAN peut-elle être un atout ou un frein dans la construction d’une Europe de la défense ?

2021 : « Le lien Armée-Nation d’hier à aujourd’hui, du local au national » : toute l’année a consisté à travailler en étroite collaboration avec le 8 malgré les contraintes sanitaires : cérémonie de Dien bien Phu vécue en nocturne au 8, , conférences sur les opex, confection des colis de Noêl et deux jours en immersion au 8e RPIMa avec remise des diplômes de citoyenneté, mais aussi au début des vacances d’été : course les 888km du 8, les derniers km avec eux jusqu’au régiment, et les 70 ans du 8 au cours de laquelle les élèves ont été acteurs du spectacle nocturne et le flambeau a été passé du Major Antoine au Colonel et du Colonel à une élève.

Chaque année les élèves participent aussi au Rallye citoyen organisé par le trinôme pour une découverte des métiers de la défense et un petit challenge entre équipes de classes de défense du Tarn.

Pour cette année 2021-2022, nous avons lancé deux nouveaux projets.

Le premier porte sur les Opex du « 8 » en Afghanistan d’hier à aujourd’hui. Pour ce travail nous bénéficions de l’aide active du Général Aragones, Chef de corps du 8 en 2008. Le second travail porte sur une recherche autour des noms des enfants juifs qui ont été déportés depuis le Tarn en 1942, noms qui figurent sur une plaque apposée dans la synagogue de Castres. Et cette enquête se fera en lien avec le Mémorial De La Shoah parisien et les archives du Tarn. Deux projets bien distincts, sur deux périodes différentes, qui permettront aux 58 élèves inscrits cette année dans le dispositif de développer leurs connaissances.

Ils ont commencé l’année par une invitation à Paris et ils ont ainsi participé aux 100 ans de la SMLH avec des jeunes venus de toute la France et même des DROM Com et même des équipes extra continentales.



B/ Les actions de commémoration :

Elles sont diverses et variées tout au long de l’année. Ainsi par exemple les élèves ont eu l’occasion il y a deux ans non seulement de participer au 11 novembre à l’arc de triomphe, mais encore, invités par le chef de l’État Monsieur Macron, ils ont été parmi les rares privilégiés qui ont assisté à l’inauguration du nouveau monument dédié à la mémoire des soldats tombés en Opex.
Ils participent régulièrement aux cérémonies du 11 novembre ou du 8 mai, et nous faisons même une petite cérémonie en interne à l’occasion de la commémoration de la Grande guerre, au pied de la plaque de nos anciens élèves morts au champ d’honneur. Ils organisent la cérémonie, cherchent les textes qui seront lus et déposent une gerbe. Certains ont alors la fierté de porter le drapeau ! Pour l’occasion le 8eme Rpima nous accompagne, avec un piquet d’honneur et lorsque le Colonel est disponible il participe aussi à la cérémonie.
Ces commémorations sont non seulement l’occasion de réviser son histoire, mais aussi de favoriser les rencontres intergénérationnelles car les élèves peuvent, à ce moment-là, discuter avec les anciens combattants. Ainsi, la commémoration de la bataille de Dien bien Phu leur a donné envie de se plonger dans la guerre d’Indochine pour connaître un peu mieux cette histoire.

3/ Quel retour sur investissement ?

A/ des récompenses :

depuis quelques années nos travaux sont objet de multiples récompenses: parmi lesquelles le trophée « héritiers de mémoire » remis aux élèves, au Panthéon, il y a maintenant deux ans.
Mais la plus belle récompense, ce sont souvent les réactions des anciens combattants : ils manifestent, souvent,, aux élèves leurs encouragements constants à continuer ce travail, et ils ont le sentiment de ne pas avoir combattu pour rien car les jeunes reconnaissent leur sacrifice.

B/ un enrichissement personnel :

C’est, en effet, l’occasion d’augmenter sa culture générale et ses capacités. Au cours de ces deux ans, les élèves grandissent, ils prennent confiance. Ils ne se sentent pas contraints de faire quelque chose car ils l’ont choisi. Ils ne sont pas effrayés par l’idée d’une évaluation, et ils sont très fiers quand leurs articles sont publiés soit sur le site du lycée soit dans le « lab’ mémoriel » auquel ils participent. Ils sont, de plus, encouragés à développer leur capacité d’écoute, à prendre des notes, à écrire. Par ailleurs, tout cela développe leur curiosité, leur capacité à s’interroger, à savoir faire une petite recherche personnelle, et finalement ils acquièrent un peu plus de moyens pour maîtriser la complexité des études supérieures, et ils gagnent en maturité au contact des adultes qu’ils rencontrent en dehors des professeurs habituels. Enfin la plupart des thèmes traités, ont un lien avec l’histoire ou la géopolitique, et cela leur permet d’avoir des clés pour mieux dominer le monde de demain et les défis qui se présentent à nous.
Parfois, certains, après le bac, s’orientent vers un métier au service de la nation en intégrant les armées.

C/ un ciment pour l’unité nationale :


Cette classe défense est un moyen, aussi, de travailler, à notre petite échelle la notion de cohésion et d’unité nécessaire de la nation. Nos élèves viennent de milieux différents, d’origines différentes, et on leur fait comprendre très rapidement qu’ils doivent se penser en cohésion. Pour faciliter cette idée, ils reçoivent en début d’année un T-shirt qu’ils portent à chaque séance d’enseignement de défense. Ce T-shirt est floqué de toutes les associations et des organismes qui sont nos mécènes : la DPMA, La FNAM, l’ONAC la France mutualiste. Avec ce T-shirt ils savent qu’ils appartiennent au même groupe-classe, même s’ils ne sont pas dans la même classe.

Le contact avec les anciens combattants, qui est très fréquent, permet aussi cette fusion intergénérationnelle nécessaire à une nation solide. Par ailleurs, les opérations comme les colis de Noël pour les soldats en Opex, ont permis aussi de renforcer les liens avec le monde combattant, avec ceux qui sont les garants de notre sécurité au quotidien. En effet, les élèves se sont cotisés pour offrir des cadeaux aux soldats qui n’étaient pas chez eux pour Noël, ainsi que des boîtes de chocolats pour ceux qui étaient en opération sentinelle. Ils ont contacté des commerçants de Castres pour les aider dans cette opération de solidarité. Ils ont accompagné leurs cadeaux de lettres personnelles dans lesquelles ils saluaient l’engagement et le sacrifice de nos soldats. Ce sont de petits gestes importants, et ils ont eu le bonheur de recevoir des lettres de ces soldats qui, en retour, leur exprimaient toute leur reconnaissance et leur disaient le bonheur de se savoir soutenu par leur belle jeunesse.

Conclusion : pour que notre nation puisse rester une grande nation, solide et stable, et pour quelle garantisse le bonheur de nos enfants, il faut essayer d’œuvrer au quotidien pour la renforcer. Quand on pense à nation en pense patrie, sans chauvinisme et sans nationalisme exacerbé, un peu à la manière de Jean-Jaurès qui lui aussi aimait sa patrie, et ses valeurs. Cet amour de la patrie, ce que certains appellent aussi patriotisme doit se cultiver dès le plus jeune âge car il est impossible de demander à des adultes ensuite de se comporter en patriotes économiques par exemple, si on n’a pas su développer leur amour pour leur pays. Par ailleurs dans ce monde complexe, où les défis et les menaces peuvent venir de tout côté, il faut aussi savoir quelles sont nos valeurs, celles que l’on ne négociera pas, celles dont nous avons hérité et qui s’inscrivent en belles lettres sur notre drapeau. Nous devrons les défendre. Mais pour les défendre il faut les connaitre et y adhérer, en nation unie au-delà de nos différences. La nation comme Renan la pensait, en 1882, quand il en donna une magnifique définition : à partir de « deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une […]. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. […] Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. […] L’homme n’est esclave ni de sa race ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagne. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. » Et à travers nos classes défense nous essayons de faire vivre ce « plébiscite de tous les jours » qu’il réclamait de ses vœux.

Valérie Pietravalle

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